LES CERAMIQUES DES STES MARIES DE LA MER

Chaque année, la mer rejette des dizaines de fragments de céramique de tous genres sur les plages de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer (B-d-Rhône). Il convenait d'inventorier, de manière exhaustive, le matériel céramique trouvé sur ces plages, cela en réunissant l'ensemble du matériel appartenant à des collections privées comme celle de Jean Fleury et les prospections récentes de Louis Poumeyrol et de Philippe Ferrando. Dans cette étude, seules les céramiques fines et communes seront prises en compte pour les données statistiques.                                     Philippe FERRANDO


 

 

1. INTRODUCTION

 

Chaque année, la mer rejette des dizaines de fragments de céramique de tous genres sur les plages de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer. Ce phénomène se rencontre également du côté d'Aigues-Morte, mais aussi sur les plages situées entre Port-Saint-Louis du Rhône et Fos-sur-Mer.

Déjà, dans les années 1940-1950, Fernand Benoit, Sylvain Gagnière et Louis Poumeyrol se sont intéressés au matériel recueilli lors de prospections méthodiques.

Les quelques articles présentés alors dans la revue Gallia mentionnaient la découverte de quelques fragments et bouchons d'amphores, de céramiques fines du type campanienne, sigillée italique, sigillée sud-gauloise ainsi que de la vaisselle commune. Néanmoins, ces articles, trop succincts, ne permettaient pas de présenter un inventaire assez complet du matériel découvert et d'aboutir à des conclusions quant à l'origine des céramiques trouvées.

Cette analyse va donc permettre d'inventorier de manière exhaustive le matériel céramique trouvé sur ces plages, cela en réunissant l'ensemble du matériel appartenant à des collections privées comme celle de Jean Fleury (déposée au Musée d'Arles en 1932) et les prospections récentes de Louis Poumeyrol et de Philippe Ferrando[1]. Dans cette étude, seules les céramiques fines et communes seront prises en compte pour les données statistiques.

 

 

2. CATALOGUE DES CERAMIQUES

 

Le matériel céramique recueilli est très abondant. Il est composé d'amphores, de dolia, de tegulae que nous n'évoquerons que succinctement et de céramiques fines de tous genres (571 fragments).

Si les céramiques d'époque gallo-romaine dominent largement, nous trouvons aussi quelques rares fragments d'époques plus récentes (période moderne et Moyen-âge), évalués à une dizaine de tessons.

 

2.1. Les amphores

Les fragments d'amphores restent le matériel archéologique le plus couramment recueilli sur les plages des Saintes-Maries-de-la-Mer. Il y a quelques années, avant la construction de nouvelles digues du côté ouest du Petit Rhône, au lieu-dit "Grand-Radeau", les fragments se trouvaient encore par centaines. Il arrivait aussi qu'après de grosses tempêtes, une amphore quasiment complète soit rejetée sur la grève.

Les types les plus représentés sont les amphores italiques (Dressel 1A, 1B et 1C), mais nous trouvons aussi quelques fragments d'amphores gauloises dont le type est souvent difficile à déterminer car souvent très fragmentaire.

 

2.2. Les dolia

Les fragments de dolium se trouvent dans une proportion moindre. Cela peut s'expliquer par le fait que ce type de récipient était très peu transporté par voie maritime.

Il pourrait alors s'agir de fragments provenant de plusieurs habitats, aujourd'hui disparus sous l'eau.

Quelques fragments présentent une pâte composée d'un fort dégraissant. D'autres sont soigneusement ornés de décor au peigne.

 

2.3 Les tegulae

Même si cela peut paraître étonnant, quelques fragments de tegulae ont été découverts sur la plage, notamment à l'est des Saintes-Maries, près de l'emplacement de l'ancien Rhône de Saint-Féréol.

Si certains fragments peuvent provenir de cargaisons de navires, il en est différemment de quelques autres qui présentent des traces de mortier. Il pourrait donc s'agir de tuiles provenant de bâtiments dont les ruines seraient aujourd'hui ensablées. On peut imaginer, en bordure de l'embouchure de cet ancien Rhône, des aménagements servant à la manutention des marchandises. Cela est d'autant plus probable qu'il fallait souvent transvaser les cargaisons d'un navire à un autre, cela pour remonter le Rhône de faible profondeur.

 

 

2.4 Les céramiques fines

 

2.4.1 Les campaniennes

Avec les sigillées, les céramiques campaniennes représentent la vaisselle de table la plus couramment recueillies sur les plages des Saintes-Maries. Même si l'on estime que certains fragments appartiennent à la vaisselle personnelle des marins, on peut penser que d'autres proviennent réellement de cargaisons destinées au commerce. Tous les types de campaniennes sont représentés.

 

 

A/ La campanienne A :

Le type A est le plus important dans la famille des céramiques campaniennes (7,35 %).

Les formes représentées sont les assiettes Lamboglia 167-168 (4 fragments), 168-169 (1 fragment), 183 (5 fragments), la coupe Lamboglia 176-177 (1 fragment), le plat Lamboglia 196-197 (1 fragment) et le bol Lamboglia 180-181.

Une dizaine de fragments, notamment des fonds sont difficilement identifiables.

 

 


Assiettes

 

 

Lamboglia 167-168

4 fragments

-175/-50

Lamboglia 168-169

1 fragment

-150/-25

Lamboglia 183

5 fragments

-225/-25

 

 


Coupe

 

 

 

Lamboglia 176-177   

1 fragment

-225/-25

 

 

 

Plat

 

 

Lamboglia 196-197

1 fragment

-200/-100

 

 

 

Bol

 

 

Lamboglia 180-181

1 fragment

-175/-25

 

 

B/ Les campaniennes B

La campanienne B est moins bien représentée avec seulement six fragments soit 1,05 % de l'ensemble. On trouve seulement deux fragments d'assiette et deux fragments de coupe.

 

Assiettes

 

 

Lamboglia 147-148

2 fragments

-150/-25

 

 

 

Coupes

 

 

Lamboglia 148-149

2 fragments

-150/-25

 

 

C/ Les campaniennes C

La céramique campanienne C, généralement très rare dans les fouilles terrestres, se rencontre toutefois assez abondamment sur les plages des Saintes-Maries-de-la-Mer (2,45 %). Elle se distingue par une pâte feuilletée allant du gris au brun et un vernis noir mat s'écaillant facilement.

Les types représentés sont les formes Lamboglia 192 (4 fragments), 159 (1 fragment), 160-161 (1 fragment), 160 (1 fragment) et 157 (1 fragment).

           

Assiettes

 

 

Lamboglia 192

4 fragments

-100/-1

Lamboglia 159

1 fragment

-100/-1

 

Coupes et coupelles

 

 

Lamboglia 157

1 fragment

-100/-1

Lamboglia 160-161

1 fragment

-100/-1

Lamboglia 160

1 fragment

-100/-1

 

 

D/ Les campanienne à pâte grise

Cette céramique est seulement représentée par 2 fragments d'assiette de la forme Morel 1230.

 

Assiettes

 

 

Morel 1230

2 fragments

-90/-30

 

 

2.4.2 Les sigillée italiques

Les sigillées italiques ne sont représentées que par quelques fragments très divers (5,43 %). L'un d'eux porte le timbre OLVMPVS (Fig. 1 n° 6)  daté du dernier quart du 1er s. avant notre ère. Les formes représentées sont :

 

Assiettes

 

 

Ettinger  5,2

1 fragment

-20 /-10

Ettinger 12,4

1 fragment

-15 / 20

Ettinger 18,1

1 fragment

-15 / 30

Ettinger 18,3

1 fragment

-15 / 30

Ettinger 20,3

1 fragment

- 1 / 30

 

Bols et coupelles

 

 

Ettinger  7,2

1 fragment

-20 /-10

Ettinger 14,2

1 fragment

-15 / 15

Ettinger 14,4

1 fragment

-15 / 15

Ettinger 17,1

1 fragment

-15 / 15

Ettinger 22,4

1 fragment

-15 / 30

Ettinger 36

1 fragment

variante tardive

Ettinger 37

1 fragment

variante tardive

 

Plat

 

 

Ettinger 11

1 fragment

-15 / -1

 

2.4.3 Les sigillées sud-gauloises

Héritière de la sigillée italique, la sigillée sud-gauloise est bien représentée sur les plages saintoises (20,84 %). On les rencontre principalement à l'est et à l'ouest du Petit Rhône.

 L'étude de cette céramique confirme le rôle prépondérant de l'atelier de la Graufesenque dans leur diffusion. Même s'il faut rester prudent, cela laisse supposer la présence d'épaves à proximité du Petit Rhône. dont 2 fragments marbrés

 

                                                           

Assiettes

 

 

Dragendorff 15

3 fragments

1/120

Dragendorff 18/31

12 fragments

15/150

Dragendorff 36

 3 fragments

15/160

Ritterling 1

1 fragment

20/60

 

Bols

 

 

Dragendorff 33a1

4 fragments

20/60

Dragendorff 33a2

2 fragments

60/120

 

Urnes

 

 

 

Hermet 90,5  

3 fragments

100/160

 

 

 

 

 

Calice

 

 

 

Hermet 4

1 fragment

40/70

 

 

 

 

 

Coupes et coupelles

 

 

 

Dragendorff 24/25b

4 fragments

40/70

 

Dragendorff 27b

6 fragments

40/80

 

Dragendorff 30b

 2 fragments

40/110

 

Dragendorff 37a

23 fragments

60/100

 

Dragendorff 29b

5 fragments

40/90

 

Ritterling 8b

3 fragments

30/80

 

 

 

 

 

 

Mortier

 

 

 

Ritterling 12

2 fragments

40/70

 

 

 

 

 

Urnes

 

 

 

Hermet 90,5  

3 fragments

100/160

 

 

 

 

 

 

Encrier

 

 

Ritterling 13 

1 fragment

40/110

 

                             

 

Il faut aussi noter la présence de quelques estampilles (Fig. 1 n° 6). Ces timbres, malheureusement peu nombreux, permettent néanmoins de déterminer la provenance de certaines céramiques. Ainsi, nous trouvons :

- OF RIMI

- OF SILVANI

- OF AQV( )

- MERCATO

Les autres marques sont trop incomplètes ou d'interprétation délicate.

 

 

2.4.4. Les parois fines

Cette catégorie de céramique, dont la paroi est de faible épaisseur, est toujours très fragmentaire. Elle est néanmoins bien représentée avec 4,90 % de l'ensemble du matériel étudié. On trouve tous les types comme les parois fines républicaines composées de gobelets hauts non engobés (Mayet I), les parois fines augustéennes à décor d'épines (Mayet III) et quelques gobelets d'époque impériale  engobés, sablés ou décorés à la Barbotine (Mayet XXXV et XLII).

 

 

2.4.5. Les céramiques africaines

 

A/ Les sigillées claires A, C et D

Ces céramiques originaires d'Afrique du Nord ne sont attestées que par la présence d'une vingtaine de fragments. La sigillée claire A est de toute cette catégorie la mieux représentée avec dix fragments (1,75 %) dont huit sont identifiables et se rattachent aux formes Hayes 6A (2 fragments), 8A (3 fragments), 9A (2 fragments), et 14 (1 fragment).

La sigillée claire C est représentée, quant à elle, par quatre fragments (0,70 %), dont deux sont identifiables (Hayes 50A et 84). Enfin, la sigillée claire D, peu abondante également, est représentée par six fragments (1,05 %) dont cinq sont rattachés aux formes Hayes 58B, 59, 61A et 91A

 

B/ Les africaines de cuisine

Composées de formes classiques, les africaines de cuisine sont de loin les plus représentatives des céramiques africaines (12,96 %). Dans cet ensemble, on notera l'absence des variantes tardives de la fin du IIIe et du IVe siècle de notre ère.

 

Plats

 

 

Hayes 19

4 fragments

75/150

Hayes 23A

2 fragments

70/150

Hayes 23B

9 fragments

150/220

Hayes 181

1 fragment

150/250

 

 

 

Couvercles

 

 

Hayes 22

3 fragments

70/150

Hayes 182

2 fragments

150/250

Hayes 196

18 fragments

70/250

 

 

 

Marmites

 

 

Hayes 197

13 fragments

170/250

 

 

2.4.6. Les sigillées rhodaniennes (la claire B et la luisante)

 

De manière générale, les céramiques claires B et luisantes sont toujours bien représentées sur les sites rhodaniens (15,23 % de l'ensemble du matériel). Le comptage brut des tessons démontre qu'elles sont de loin les plus abondantes après les sigillées sud-gauloises. Sur quatre-vingt-sept fragments, trente-quatre sont identifiables et rattachés à la typologie de A. Desbat et de Pernon.

 

 A/ Les claires B

 

Assiette

 

 

Desbat 3

1 fragment

170/300

 

 

 

Bol-coupes et coupelles

 

 

Desbat 9

1 fragment

130/170

Desbat 15

5 fragments

200/270

Desbat 24

1 fragment

150/200

 

 

 

Urnes

 

 

Desbat 8

3 fragments

180/350

 

 

 

Cruche

 

 

Desbat 88

1 fragment

250/400

 

 

B/ Les luisantes

 

Bols carénés

 

 

Pernon 37a

19 fragments

280/450

 

 

 

Mortiers

 

 

Pernon 40

2 fragments

260/450

 

Gobelet

 

 

Pernon 62

1 fragments

260/450

 

 

2.4.7. Les productions rhénanes (métallescente)

Cette céramique, très bien attestée sur les sites arlésiens dans des contextes du IIIe siècle, est représentée sur les plages des Saintes-Maries-de-la-Mer par un unique exemplaire non identifiable. La qualité de son vernis nous fait penser à une production originaire de Trèves.

 

 

2.4.8. La D.S.P.

Elle n'est représentée que par un seul fragment de la forme Rigoir 29. Ce tesson constitue l'élément le plus récent de cette étude. Sa forme est bien attestée dans les contextes du Ve et de la première moitié du VIe siècle de notre ère.

 

 

2.5. Les céramiques communes

 

A/ La commune oxydante

Constituant 19,08 % de l'ensemble des céramiques étudiées, l'échantillonnage de cette production est très large. On trouve toutes les catégories de pâtes s'étalant du Ier au IIIe siècle. Les pâtes calcaires beiges et orangées et les pâtes sableuses de couleur orangée sont les mieux représentées. Trois fragments plus tardifs se détachent de cet ensemble : deux fragments de rebords d'urnes à engobe micacée du type Lattara A3 typiques du IVe siècle et un bord de marmite du type CATHMA 26 daté du Ve et du début VIe siècle de notre ère.

 

B/ La commune réductrice

 

Avec 6,18 % de l'ensemble du matériel, la commune réductrice est dominée par la grise kaolinitique rhodanienne d'époque impériale, avec des cruches du type Lattara F1 et des bouillottes du type Lattara 14. On écartera de ce lot deux fragments de grise à décor lissé d'époque médiévale (Xe-XIe siècle).

 

 

3. Conclusion

 

Comme on peut l'apercevoir dans cet inventaire, les céramiques de la fin du VIe siècle au IIIe siècle avant J.C. ne sont pas représentées. En effet, aucun tesson de cette période n'a été trouvé lors des prospections sur les plages (céramique fine attique, ionienne, phocéenne ou encore marseillaise). Cependant, ce mobilier est très bien attesté sur les sites arlésiens et environnants (Glanum, Ernaginum, Le Castellet, La Roque...), et en Camargue. Cette observation ne s'applique pas seulement pour les céramiques fines, mais également pour les amphores de Marseille ou les amphores gréco-italiques qui sont totalement absentes de ce catalogue. Les céramiques les plus anciennes de cet inventaire sont les campaniennes A tardive, datées de la fin du IIe siècle avant J.C. Aucun fond d'assiette ou de coupe ne porte de traces de palmettes, mais par contre, on observe pour la plupart un cercle marron au centre. A partir de cette période, on trouve une évolution cohérente jusqu'au IVe siècle de notre ère. Le mobilier de l'antiquité tardive est représenté par seulement quatre individus (un fragment de D.S.P.). Les céramiques grises provençales du VIe siècle après J.C. ou les grises kaolinitiques rhodaniennes ne sont pas du tout représentées dans cet ensemble. C'est également le cas des amphores tardives africaines ou orientales.

En l'état actuel des choses, il est bien difficile de séparer le mobilier qui peut être lié directement à des épaves ou attribué à des habitats aujourd'hui disparus sous la mer. On peut donc déjà observer d'après ce travail une occupation continue de la fin du IIe siècle avant J.C. à la fin du III siècle après J.C. et allant en décroissant au IVe et Ve siècle, à proximité des deltas du Rhône.



[1] La majorité du matériel est aujourd'hui conservée au musée de l'Arles antique.

 

Type

nbre fragments (%)

nbre d'individus (%)

Campanienne A

6,23

5,24

Campanienne B

0,95

1,5

Campanienne C

2,88

3

Campanienne grise

0,72

1,1

Sigillée Italique

3,18

4,12

Sigillée gauloise

20,72

22,85

Paroi-fine

6

7,12

Africaine de cuisine

15,45

19,1

Claire A

2,4

3,75

Claire C

0,73

0,38

Claire D

0,95

1,5

B-luisante

20

12,73

Métalescente

0,24

0,38

D.S.P.

0,24

0,38

Commune méditer.

0,24

0,38

Commune oxydante

11,37

9,73

Commune réductrice

7,7

6,74

Total

100

100

 

 

 

 

 

 

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