A ARLES, LE RHÔNE LIVRE ENCORE DES SECRETS
Après plusieurs années de fouilles archéologiques passionnantes , l'équipe d'archéologues plongeurs de 2ASM (Association Archéologie Sous-Marine), dirigée par Luc Long (DRASSM) poursuit les plongées dans le Rhône à la rencontre de l'histoire encore en place de l'antique Arelate. Les moyens financiers apportés en 2011 par la Région, la ville d'Arles, l'Université de Nîmes et l'entreprise Culture Espace ont apporté une continuité dans les investigations et permettent ainsi d'enrichir un peu plus le patrimoine arlésien. Par Philippe FERRANDO
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En parallèle à la fouille du bateau "Arles Rhône 3" (fouilles et mise au jour d’un chaland romain - voir l'exposition sur "Les expositions du Musée départemenatal d'Arles"), à une centaine de mètres plus, au nord, nous trouvons l’équipe de Luc Long, conservateur en chef de la Drassm. La campagne de fouilles sous-marine menée cette année 2011 s’avère assez fructueuse. Certes, nous n’avons pas les découvertes exceptionnelles comme le buste de César ou la Victoire en bronze dorée des campagnes précédentes (voir "Les expositions du musée d'Arles"), mais les archéologues ont monté du fond du Rhône, encore une fois, de nombreux témoignages des « trésors » archéologiques que recèle le fleuve.
Parmi ces découvertes, il faut remarquer la présence de deux médaillons d’applique dont l’un est d’une facture exceptionnelle. Il semblerait que nous ayons affaire à une céramique africaine dite « claire D » donc très tardive, ce qui correspond bien à la majorité des monnaies du IVe s. sorties de l’eau, cette année. Il pourrait s’agir de l’empereur Constantin le Grand (d’après des traits du visage que l’on rencontre sur les monnaies), qui, sur son cheval, armée de la hasta et du scutum, revient d’une bataille victorieuse. Une légende est placée dans plusieurs endroits du champ : EQVIT-ATV' AVG FELICIT-ER. Si c’est bien Constantin, les armes des ennemis, situées à l’arrière, pourraient être ceux des Sarmates battus en 323 et qui étaient d’excellents archers, ou ceux de romains (bataille contre son beau-frère Licinius I en 316, par exemple). Ces éléments restent néanmoins à confirmer.
Mais parmi les objets les plus remarquables ramenés à la surface lors de cette campagne, nous trouvons aussi deux objets métalliques romains d'origine militaire. Ces objets sont rares, d'une manière générale, dans notre région, voire dans notre pays. Ces deux objets, en fer, sont une épée de cavalerie dite spatha et un talon d’une hasta. Le contexte archéologique dans lequel ils ont été trouvés (céramiques et monnaies) laisse penser qu’ils datent tous les deux de la fin du IIIe s., voir du IVe s. ap. J.C., donc sont très tardifs par rapport au découvertes militaires trouvées depuis dans le secteur (casque de l‘époque de Marius - fin IIe av., glaives type Pompéi du Ier s., etc…). La spatha se situait à proximité immédiate de l’épave "Arles-Rhône 7". La lame est complète mais corrodée en de nombreux endroits. Il manque la poignée et le foureau. Cette spatha de cavalerie est une arme dont la lame, pour des raisons inhérentes au combat à cheval, est toujours un peu plus longue et un peu plus fine que celle du glaive classique (combat au "corps à corps"). Dans le cas présent, elle mesure près de 88 cm de long. Quant au talon de hasta, il mesure 32 cm et son épaisseur importante ne permet pas de la comparer à une pointe de pilum. Nous pouvons voir cet objet sur la base de la haste de l'empereur présentée sur le médaillon d'applique, d'époque tardive.
En 2011, le fond du Rhône aura aussi livré trois nouveaux bateaux antiques (barges fluviales et bateaux maritimes) et un nombre important de tuyaux en plomb. La présence de ces derniers, au fond du fleuve, démontre encore l’importance de l’eau à l’époque gallo-romaine, notamment à Arles. Ces longues canalisations métalliques, qui portent d’ailleurs le nom de leur fabriquant, nous apportent néanmoins des interrogations. Etaient-elles destinées à amener l’eau des Alpilles (aqueducs nord et sud), sur le quartier de Trinquetaille, ou, à l’inverse, a transporter l’eau du Gard (aqueduc de Bellegarde) vers la rive gauche du Rhône. Dans tous les cas, le nombre important d’établissements liés aux bains et les fontaines (publics et privés), dans l’ancienne cité d’Arelate (Thermes dits de Constantin, thermes de la place de la République, thermes de l’Esplanade des Lices, bassins des pièces III et IV de la villa de la Verrerie…) pourrait expliquer le besoin en eau provenant des sources des environs.
Enfin, il ne faut pas oublier les monnaies. La particularité des découvertes numismatiques, cette année, est que la majorité des pièces (environ 300) appartient au Bas-empire, plus précisément de la période située entre 336 et 361 de notre ère. De plus, comme les années précédentes, nous pouvons constater une proportion importante des imitations d'époque (20 à 25 %). Mais l'étude complète des monnaies sera réservée, pour l'instant, au rapport de fouille de Luc LONG.
Je ne pouvais terminer cette page sans remercier sincérement Luc pour les bons moments passés avec son équipe sur le "Brézéhan".
Philippe FERRANDO