LES MONNAIES DES LEGIONS
Philippe FERRANDO
Les monnaies sont importantes car elles apportent la preuve de l'existence d'une légion à un moment donné. Elles apportent aussi quelquefois le symbole de ces légions (lion, taureau, sanglier...).
Chaque légion était autonome et comptait environ 5600 hommes selon la période à laquelle elles ont existées. L’infanterie était
de 5500 hommes divisés en dix cohortes (la première de 1000 hommes, appelées milliaria, et les neufs autres de 500 appelées quinquenaria). A ce nombre s’ajoutait la
cavalerie, destinée principalement à un rôle d’expédition, qui se composait de 120 hommes repartie en quatre escadrons (turmae).
La légion portait à la fois un numéro d’ordre et un surnom. A coté des numéros d’ordre, on rencontre les surnoms. Ils proviennent des noms des
provinces où les légions ont combattus ou de l’endroit où elles ont été levées (Italica, Gallica, Hispanica…etc).
D’autres surnoms sont tirés des noms de divinités (Minerva, Apollinaris etc.), et d’autres proviennent de particularités dû à leur formation
(Adiutrix = supplémentaire,….)
Enfin à coté des surnoms, on trouve les épithètes correspondant aux récompenses
obtenues grâce à leurs dévouements au culte de l’empereur (Pias, victrix, fidelis…).
Sous l'Empire, outre l'aigle jupitérien, chaque légion était dotée de son propre emblème. Il pouvait s'agir soit, la plupart du temps, d'un animal, soit d'un héros (Hercule par exemple), soit d'une divinité (Minerve, la Victoire, Neptune...). Parmi ces animaux, on trouve le taureau, le sanglier, le bélier ou encore la cigogne et le lion.
On trouve également des chimères, tels que Pégase, le cheval ailé, ou le Capricorne. L'explication du choix de ces animaux est multiple. Certains ont un rapport direct avec les signes du zodiaque et les croyances personnelles des Empereurs. Ainsi, comme le rapporte Suétone, « Auguste eut une si grande confiance dans ses destinées qu'il fit publier son horoscope et frapper des pièces d'argent portant le signe du Capricorne » (Suét., Aug., 94). Ledit Auguste, lorsqu'il décide de réorganiser l'armée, choisit logiquement le Capricorne comme insigne de certaines légions. Un autre exemple intéressant est fourni par Domitien, empereur de 81 à 96 ap. JC, qui vouait un culte particulier à la déesse Minerve. Domitien crée une nouvelle légion, et il lui donne comme insigne particulier une tête de bélier, car dans le mois auquel préside Minerve, le soleil est dans le signe du Bélier.
Les enseignes révèlent d'autres signes du culte des astres; sur certaines d'entre elles la juxtaposition d'un globe et d'un croissant, paraîssent symboliser le soleil et la lune. Il est possible que l'astrolâtrie et la zoolâtrie aient trouvé un terrain particulièrement favorable chez les légionnaires de recrutement local du Rhin et du Danube. Dans un cas au moins, l'armée romaine semble avoir adopté une enseigne d'inspiration barbare, le dragon. Celui-ci était utilisé par les peuplades scythiques ou parthiques. Un dragon est représenté comme enseigne sur la colonne trajane, à Rome, qui évoque la guerre de conquête de Dacie (actuelle Roumanie), au début du II° siècle après JC. Dans la deuxième moitié du IV° s. ap. JC, le dragon a triomphé comme enseigne militaire, et l'historien Ammien Marcellin décrit ainsi ceux qui ornent le défilé des troupes de l'empereur Constance en visite à Rome : « ...tout autour on voyait flotter les dragons attachés à des hampes incrustées de pierreries, et dont la pourpre, gonflée par l'air qui s'engouffrait dans leurs gueules béantes, rendait un bruit assez semblable aux sifflements de colère du monstre, tandis que leurs longues queues se déroulaient au gré du vent » (Ammien Marcellin, XVI, 10). Ce dragon romain, par sa forme, rappelle les dragons chinois.
Les animaux sont importants, certes, mais ils sont loin de constituer la totalité des symboles qui figurent sur les enseignes. Sur les hampes des enseignes manipulaires sont attachées des phalères. Ce sont des plaques de métal argenté dont certaines portent le portrait de l'empereur en leur centre. Le nombre de phalères varie entre 2 et 6 sur chaque enseigne. Ces plaques de métal, à l'origine, sont des décorations militaires individuelles, ce qui les classe parmi les « dona militaria ». Ces gratifications pouvaient aussi être collectives, aussi trouve-t-on sur certaines enseignes des couronnes de laurier ou de chêne, des couronnes murales (commémoration du siège d'une ville) ou rostrales (en souvenir d'une bataille navale). Sous la République, ce sont des torques que l'on remettait aux corps de troupe et aux soldats comme signe de gratification. Les troupes ainsi remerciées étaient qualifiées de « torquatae ».
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Sous Marc Antoine et Octave
Pour l’ensemble des deniers des légions, M. Crawford a relevé une estimation de 864 coins de droit et de 960 coins de revers représentant une production massive, comprise entre deux et quatre millions de deniers. Le coût d’une légion était d’un million de deniers par an.
Marc Antoine, après avoir rompu avec Octave en 32 av. J.-C., joint ses forces à celles de Cléopâtre et rencontre celles d’Octave à Actium (31 avant J.-C.). La flotte d’Octave, commandée par Agrippa, gagne la bataille navale tandis que la flotte égyptienne s’enfuit, bientôt suivie par Antoine qui se retire en Égypte avant de se suicider l’année suivante.
Avant la bataille décisive d'Actium, Marc-Antoine émit ce type monétaire pour payer les légionnaires de vingt-trois légions. . L'avers présente un bel exemple de navire de guerre romain: on distingue clairement la poupe décorée de son "aplustrum"; la proue hérissée de son rostre et ornée de son "acrostolium"; le petit mât d'avant avec sa bannière (dolon); le gouvernail à l'arrière; le banc de rameurs...
Sous Gallien
Après la mort de Valérien, Gallien est alors le seul maître de l’empire et continue de repousser les invasions des barbares, de plus en plus nombreuses : Francs, Alamans du Rhin, Marcomans, Quades, Goths et Carpes des régions Danubiennes. Les francs, une nouvelle fois, envahisse la gaule en traversant le Rhin à la hauteur de Cologne et les alamans font de même en forçant la frontière en Rhétie. Pendant que Gallien intervient en Rhétie, il ordonne à Postume de repousser les francs à l’aide de troupe du front Danubien. C’est alors qu’Ingénius, gouverneur de la Pannonie inférieure voit ses provinces Danubienne livrées sans défenses aux attaques des barbares et manifeste ouvertement son désaccord avec Gallien en lui contestant le pouvoir en Panonnie.
Face à toutes les impostures Gallien fait alors frapper une importante émission monétaires aux noms des légions. Tout le numéraire sera destiné aux légionnaires restant (zélés et fidèles pour la sixième fois). Cette émission commémore donc les victoires de Gallien sur Ingénus et Régallien, les usurpateurs. Ces monnaies glorifient le rôle des légions. Chaque légion reçoit le titre de "Pia Fidelis" en conjonction avec la victoire remportée l'année précédente sur les Alamans.
Sous Carausius
Jusqu'à présent, on a retrouvé onze légions ou unités militaires notées sur les pièces de monnaie de Carausius (LEG I Minerva, LEG II Parthica, LEG II Augusta, LEG IV Flavia, LEG VII Claudia, LEG VIII Augusta, LEG XX Valeria Victrix, LEG XXII Primigenia, LEG XXX Ulpia Victrix et la Cohorte Prétorienne. Il est fort probablement que ces détachements militaires ont composé la force initiale de Carausius.
La frappe de ces pièces de monnaie aux légions semble intervenir au début de son règne en 287-288, cela afin d'honorer les soldats ayant pris son parti.
On n'avait pas trouvé de pièce de la Légio VI Victrix pour Carausius, mais des découvertes récentes montrent le contraire.