Entre octobre 2009 et début  janvier 2011 a été présentée au Musée départemental de l'Arles antique, une exposition archéologique exceptionnelle : César le Rhône pour mémoire. Cet évènement a obtenu un succès considérable avec la visite de près de 400000 visiteurs. Vous trouverez ci-dessous l’étude concernant les monnaies trouvées dans le Rhône complétée par plusieurs tableaux et un catalogue non présenté dans la publication.

Philippe Ferrando

César, le Rhône pour mémoire - Les monnaies

1.     Présentation de l’étude et des découvertes :

 

L’ensemble des monnaies antiques présenté dans cette étude provient des campagnes de fouille sous-marine menées en 2007 et 2008 dans le lit du Rhône. A cela, ont été rajoutées treize pièces des campagnes précédentes.

Un nettoyage correct de ces monnaies a été réalisé par le musée Départemental de l’Arles Antique. Cette opération, nécessaire avant étude, a permis une lecture plus aisée des pièces trouvées.

Néanmoins, la tâche a été rendue assez difficile par le mauvais état général du matériel. Cela peut s’expliquer par la nature du milieu dans lequel les pièces ont séjourné et surtout par la pollution du fleuve. De plus, il semble qu’à leur époque, elles ont beaucoup circulé, les rendant ainsi plus lisses.

Au total, l’étude porte sur 386 monnaies et vient compléter celle réalisée sur 297 pièces trouvées en Camargue et dans les fouilles terrestres menées dans le quartier de  Trinquetaille (Bulletin Archéologique de Provence, en 2004 : « Delta du Rhône, Camargue antique et médiéval »).

Ces découvertes numismatiques viennent apporter de précieux éléments sur la circulation monétaire dans l’antiquité, dans le secteur d’Arles.

 

 

2.     La Circulation monétaire :

 

Les monnaies antiques trouvées dans le Rhône représentent la circulation monétaire d’environ huit siècles d’histoire de la cité (fin IIIe s. av JC –VIe s. ap. JC).

Pour une meilleure compréhension de cette étude numismatique, il convient de partager ces quelques siècles en onze périodes chronologiques.

L’intérêt est que toutes les périodes sont représentées, ce qui est un élément essentiel permettant d’indiquer une occupation importante du lieu, ou plutôt, une présence humaine toujours constante à proximité des zones fouillées.

 

2.1  La période pré-augustéenne (jusqu’à 27 av. JC) :

 

Les derniers siècles avant notre ère sont représentée par seulement cinq pièces : deux régionales avec des bronzes au taureau de Marseille, deux romaines (République) et une provenant d’Afrique du Nord (Maurétanie). Les pièces étrangères sont donc plus nombreuses et confirment le trafic commercial avec d’autres zones de l’Empire : l’Italie et l’Afrique du Nord.

 

2.2   Les Julio-Claudiens (27 av. JC-69 ap. JC) :

 

A partir du règne d’Auguste, le monnayage marseillais fait place au monnayage de l’atelier de Rome. Les pièces trouvées sont uniquement des bronzes d’un grand diamètre (sesterces, dupondius et as) aux noms de Tibère (un pour Auguste), Caligula (un), Claude (trois dont un pour Germanicus). Il reste étonnant de ne pas trouver, dans le fleuve, de dupondius au « crocodile » de Nîmes, monnaies dont le nombre est souvent important dans les études numismatiques, dans le secteur.

 

2.3  Les Flaviens (69-96) :

 

Vespasien et Domitien sont représentés par neuf pièces dont quatre ont été trouvées lors des campagnes précédentes, en contact avec les épaves. Comme pour la période Julio-Claudienne, ces monnaies sont des bronzes de grand diamètre et sont toutes frappées à Rome.

 

2.4    Les Antonins (96-192)

 

Cette période du haut-Empire correspond à un net accroissement du volume des monnaies. Cela se constate également dans l’étude des monnaies terrestres de Camargue. Ainsi, nous avons vingt-deux pièces dont deux grands bronzes coloniales qui marquent, une fois encore, les échanges commerciaux avec d’autres régions de l’empire romain. Nous avons, en plus du monnayage de bronze, trois deniers d’argent pour l’empereur Commode. Il faut remarquer aussi que trois pièces sont aux effigies des impératrices Faustine mère et fille. Ce n’est pas surprenant car l’on frappe pendant cette époque autant de monnaies au nom des divers membres de la famille impériale que pour l’empereur lui-même.

 

2.5   Les Sévères (193-235) :

 

Les monnaies « de valeur » sont en nombre important, pour cette période. Nous avons plus de sesterces (cinq) et de deniers (trois) que d’as (trois). Notons aussi la présence de trois monnaies provinciales dont deux sont frappées à Carthage pour Elagabale.

 

2.6  L’anarchie militaire (235-293) :

 

Nous avons affaire à une période trouble où les usurpations et les excursions des peuples extérieurs à l’Empire sont nombreuses. C’est pendant cette période que le « quartier des résidences et de l’artisanat » de la rive droite d’Arelate est détruit. Cela est confirmé par la découverte d’une tirelire, en 1983, sur la fouille archéologique de la Verrerie. En effet, l’étude des monnaies de ce petit trésor a révélé que le dernier empereur représenté est Trajan Dèce (249-251). Cet élément est important car il fixe la destruction du quartier de Trinquetaille peu de temps après le milieu du III e s. Il est fort possible que le pont de bateaux, d’époque Augustéenne, ait été détruit lui aussi.

Notons aussi, que pour cette période, l’impératrice Otacilia Sévera est bien représentée avec trois pièces, autant que l’empereur Gordien III.

 

2.7  La tétrarchie (293-313)

 

Comme pour la Camargue terrestre, les monnaies de cette période sont rares (quatre pièces dont deux de Maxence). Cette particularité se retrouve, d’une manière générale au niveau régional. Il n’y a rien d’étonnant à cela car nous avons affaire à un monnayage thésaurisé. Les réformes monétaires sont nombreuses ; le poids de la monnaie de billon diminue rapidement en fonction des besoins pour financer les campagnes militaires des Empereurs.

 

2.8   La période Constantinienne  (313-363) :

 

Cette période est importante car elle correspond à la création d’un atelier monétaire, dans la cité arlésienne. C’est en effet en 313 que Constantin le Grand décide de transférer le personnel et le matériel de l’atelier d’Ostie sur la Cité d’Arles. C’est aussi à partir de cette période que sont frappées plus abondamment des pièces dans de nombreux ateliers de l’empire, notamment en Gaule, avec en plus d’Arles, Lyon, Trèves et Londres.

Cette importance des ateliers gaulois se retrouve dans l’étude des monnaies du Rhône car la majeure partie de celles-ci est frappée en gaule romaine.

Cette multiplicité des ateliers explique aussi pourquoi nous avons un nombre important de pièces de la période Constantinienne (195 monnaies soit quasiment 50% du total de l’ensemble des pièces).

Jusqu’aux Valentiniens, quasiment tous les empereurs sont représentés, même des empereurs un peu plus rares comme Delmace ou Constance Galle.

Grâce au nombre important d’années de règne (trente sept ans), Constance II est l’empereur le plus représenté avec 58 monnaies. Son frère Constant et son père Constantin le Grand viennent en deuxième position avec chacun 24 monnaies, les usurpateurs Magnence et Décence respectivement avec 15 et 8 pièces. L’empereur natif d’Arles, Constantin II, n’est représenté que par 13 pièces.

Il faut noter la présence de 14 monnaies (dont une imitation) au « Chrisme » pour Magnence et Décence.

 

2.9   Les Valentiniens :

 

La période des Valentiniens se caractérise par un monnayage en nombre bien inférieur à la période précédente. Ainsi, nous ne trouvons que 14 monnaies pour Valentinien I et son frère Valens. Notons la présence d’un solidus pour Valentinien Ier frappé à Rome. D’une manière étonnante, Valentinien II et surtout Gratien ne sont pas du tout représentés.

 

      2.10 La fin du IV e s. :

 

Nous avons, dans le lot étudié que très peu de pièces pour la fin du IV e s. Seul huit maiorinae à la titulature de Maxime ont été trouvées ainsi que deux aes IV à la Victoire dont la titulature de l’avers est fruste.

 

      2.11 Le Ve – VI e s.

 

Le fonds du Rhône contient un nombre important de pièces en bronze de petit diamètre (moins de 10 mm). Souvent très illisibles, nous pouvons néanmoins y voir des types de revers frappés au cours du IV e s. : type aux soldats (GLORIA EXERCITVS), à la porte de camp (VIRTVS AVGG) ou quelques fois une couronne de laurier…

La plupart de ces pièces sont vraisemblablement d’origine vandale. Elles méritent une étude plus poussée, dans l’avenir.

 

 

3.     Commentaires

 

Après étude de ce lot de monnaies, plusieurs éléments peuvent être mis en avant.

Tout d’abord, on peut voir que les monnaies appartenant au Ier siècle de notre ère, et surtout à la période augustéenne sont quasiment inexistantes. Il faut attendre la période Flavienne pour voir un nombre plus important de pièces.

Le quartier de la rive droite du fleuve ne semble, à partir de l’étude numismatique, se développer vraiment qu’à partir du IIe s. Le nombre de pièces augmente alors fortement, surtout pour la fin du IIe s avec des empereurs bien représentés comme Marc-Aurèle et Commode. Cela se confirme, par la suite, jusqu’à la moitié du IIIe s. avec les Sévères. Notons que pour la période du haut-Empire, nous trouvons une proportion importante de pièces provinciales avec légendes en grec, fait qui dénote un important commerce avec l’Afrique du Nord et l’Orient. Sinon les autres pièces proviennent de l’atelier de Rome.

Entre 250 et 260, le quartier de Trinquetaille, à proximité des fouilles du Rhône, est détruit. Cela pourrait expliquer la quasi-inexistence de pièces pendant le demi-siècle qui va suivre. Ainsi, si nous avons quelques antoniniens de Gallien et de Salonine, il s’avère que nous ne trouvons aucune pièce officielle avec la titulature des empereurs gaulois Tétricus et Postume, et surtout qu’une seule pièce de Claude II qui est pourtant un empereur généralement très bien représenté, d’une manière générale, dans les lots monétaires.

Il faut attendre l’arrivée de Constantin à Arles pour voir accroître fortement le nombre de pièces. Il est fort possible qu’il est fait construire, lors de sa présence dans la ville, un nouveau pont, élément qui pourrait être confirmé par la présence connue de l’arc dit « de Constantin ».

Même si cela reste encore au stade d’hypothèse, l’important lot de pièces trouvé dispersées dans le lit du Rhône montre que nous avons certainement affaire à des monnaies jetées volontairement dans le fleuve, en donation. En effet, il est d’usage, pendant l’antiquité, de jeter une pièce lors de la traversée d’un cours d’eau, pour la réalisation d’un vœu. Ces découvertes monétaires sont nombreuses, dans les rivières ou fleuves, à proximité de tous les ponts romains. Nous avons des exemples précis dans le Rhône à Lugdunum (Lyon) ou encore dans la Seine à Lutèce (Paris).

Une autre hypothèse est à envisager. C’est la présence d’une source qui viendrait se jeter dans le Rhône, en cet endroit précis. Les sources étaient souvent considérées comme sacrées pendant la période gallo-romaine. C’est le cas, par exemple, de la source de la Fontaine du Vaucluse où les plongeurs ont découvert, il y a quelques années, plusieurs centaines de pièces antiques dont certaines en or.

Plusieurs éléments viennent confirmer l’hypothèse de dons monétaires au fleuve ou à une source. C’est d’abord la découverte d’un nombre important de monnaies au grand Chrisme frappées par les usurpateurs Magnence et Décence en l’année 353. En effet, alors que le nombre de pièces trouvées pour l’ensemble de la période Constantinienne est de l’ordre de quatre par an (187 monnaies pour 46 ans), pour la seule année 353, nous avons quatorze pièces. Pour comparer, les fouilles terrestres menées à proximité n’ont livré qu’une pièce de cette émission. C’est un élément qui démontre qu’au début de la deuxième moitié du IVe s, on jette en donation dans le fleuve, en priorité des monnaies avec une grande symbolique chrétienne.

Ensuite, nous trouvons dans le lot monétaire étudié, un nombre important d’imitations de pièces antiques. En effet, nous avons au total 45 fausses pièces soit quasiment 12 % du total. Si l’on reporte ce nombre à la quantité de pièces du IV e s. on passe à 20 % soit une pièce sur cinq. Aussi, cela démontre une volonté de jeter dans le Rhône, en priorité des pièces qui sont souvent refusés par les commerçants, car fausses. Si l’on compare encore ces découvertes avec les 297 monnaies trouvées en Camargue et dans les chantiers de fouilles du quartier de Trinquetaille, nous trouvons seulement trois fausses pièces.

En ce qui concerne les lieux de frappe, la répartition des pièces circulant au IV e s. est largement dominée par l’atelier arlésien. En effet, parmi les monnaies dont l’exergue est lisible, on peut reconnaître 84 pièces de la ville sur un total de 155, soit 54 %. Il est à remarquer que cette grande proportion de pièces arlésiennes ne se retrouve pas sur les monnaies de fouilles provenant de sites terrestres. Viennent ensuite les ateliers de Lyon avec 23 pièces, Trèves et Rome avec 15 pièces, Londres avec 7 pièces, Aquilée avec 3 pièces. Les ateliers orientaux sont moins représentés avec Thessalonique, Siscia et Ticinum (2 pièces), Antioch et Constantinople (une pièce).

 

 

4.     Conclusion

 

Même si la Numismatique représente très souvent le « parent pauvre » de l’archéologie, elle vient confirmer, ici encore, grâce à une découverte d’ampleur, qu’elle est nécessaire et utile à la compréhension d’une fouille. En effet, pour la période du haut-Empire, les monnaies découvertes sur les épaves viennent dater, à quelques années près, ces navires. De plus, elles nous donnent, par des études statistiques poussées, les périodes fastes et, à l’inverse, les périodes de crise de la cité d’Arles. Nous pouvons ainsi, par l’étude des monnaies trouvées dans le Rhône, reconnaître la période de la « Pax Romana » avec une circulation monétaire importante, un système monétaire stable, notamment entre les Flaviens et les Sévères. A la fin du IIIe s., nous distinguons une période de crise liée à l’anarchie militaire et surtout aux premières invasions barbares menées vraisemblablement dans la région, par Chrocus. Au début du IVe s., nous trouvons une reprise de l’activité de la ville grâce à Constantin le Grand, qui en fait alors, une petite capitale. La création d’un important atelier monétaire avec quatre officines a dynamisé fortement l’économie arlésienne.

L’antiquité tardive est bien représentée dans les découvertes du Rhône. Après, comme s’il n’y avait plus eu de vie, ni d’activité, sur la rive droite du Rhône, nous n’avons aucune découverte monétaire, que ce soit de la période mérovingienne, carolingienne ou féodale…

Philippe FERRANDO

Quelques statistiques

 Nombre de monnaies par empereurs

empereurs

nombre

 

 

 

 

 

 

IIIe-IIe s. av. JC ROME

2

 

 

 1er av J.C MARSEILLE

3

 

 

TIBERE POUR AUGUSTE

1

 

 

CALIGULA

1

 

 

CLAUDE

3

JULIO CLAUDIENS

GERMANICUS

1

 

 

VESPASIEN

4

 

 

DOMITIEN

5

FLAVIENS

 

TRAJAN

2

 

 

HADRIEN

4

 

 

ANTONIN LE PIEUX

3

 

 

FAUSTINE MERE

2

 

 

FAUSTINE JEUNE

1

ANTONINS

 

MARC AURELE

6

 

 

COMMODE

4

 

 

SEPTIME SEVERE

2

 

 

GETA

2

 

 

CARACALLA

2

SEVERES

 

ELAGABAL

4

 

 

JULIA PAULA

1

 

 

ALEXANDRE SEVERE

2

 

 

MAXIMIN 1er

2

 

 

PUPIEN

1

 

 

GORDIEN III

3

 

 

OTACILIA SEVERA

3

 

 

VALERIEN

1

ANARCHIE MILITAIRE

GALLIEN

3

 

 

SALONINE

1

 

 

CLAUDE II

1

 

 

NUMERIEN

1

 

 

MAXIMIEN HERCULE

1

 

 

CONSTANCE CHLORE

1

LA TETRARCHIE

MAXENCE

2

 

 

CONSTANTIN I

25

 

 

LICINIUS I

2

 

 

LICINIUS II

1

 

 

CRISPUS

3

 

 

CONSTANTIN II

13

 

 

ROME

6

 

 

CONSTANTINOPLE

8

 

 

DELMACE

1

LES CONSTANTINIENS

THEODORA

2

 

 

CONSTANCE II

58

 

 

CONSTANT

24

 

 

MAGNENCE

15

 

 

DECENCE

8

 

 

CONSTANCE GALLE

4

 

 

JULIEN II

11

 

 

JOVIEN

1

 

 

VALENTINIEN I

8

 

 

VALENS

7

LA FIN DU IV E

MAXIME

8

 

 

INDETERM

60

 

 

IMITATIONS

46

 

 

TOTAL

386

 

 

 

Nombre de monnaies par an

 

 

Périodes

Nombre

Nombre/an

Ant. 27 av. J.C

5

 

27 av. - 41 ap

2

0,02

41-69

4

0,14

69-96

9

0,33

96-117

2

0,09

117-138

4

0,19

138-161

7

0,3

161-180

5

0,26

180-192

4

0,33

192-222

11

0,36

222-238

4

0,25

238-259

8

0,38

259-275

4

0,25

275-294

1

0,05

294-318

14

0,58

318-330

20

1,66

330-348

76

4,22

348-364

91

5,68

364-378

14

1

378-388

8

0,8

388-402

2

0,5

Ve-VI e s.

28

 

 

 323

 

 

 

 

Les ateliers monétaires du IVe s.

ATELIERS IV E S.

Nombre

Arles

84

Lyon

23

Trèves

15

Rome

15

Londres

7

Aquilée

3

Thessalonique

2

Ticinum

2

Siscia

2

Antioch

1

Constantinople

1

Total

155

 

  

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